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Le stress comme cofacteur de l’état de sous-santé

Alexandre Merle

Thème de recherche sur l’identification et la classification des Yajiankang à l’aide de la technologie de la médecine chinoise :

  • Proposition de rôle des différents organes et mouvements du Qi dans la régulation des épisodes de stress et dans les différents stades du stress chronique.

Introduction

Les termes pour aborder l’état intermédiaire entre la santé et la maladie font défaut, ce qui conduit le public à négliger cet état et augmente ainsi les risques de développer une maladie. La prévalence de la sous-santé est en lien avec l’augmentation des scores de risque liés au mode de vie[1]. Il est donc urgent de définir l’état de sous santé pour attirer l’attention des personnes sur leurs modes de vie et pour proposer une prise en charge permettant de retrouver un bon état de santé physique et psychologique.

La prise en charge de l’état de sous-santé réside avant tout dans l’élaboration de nouvelles stratégies de communication et d’accompagnement au sein desquels la médecine chinoise s’inscrit naturellement.

Plusieurs critères de diagnostic ont été proposés sur la base des critères du syndrome métabolique, complétés par des mesures du stress oxydatif, par l’évaluation de l’état psychologique (fuite, anxiété, nervosité, agitation, dépression) et de la qualité du sommeil (difficultés d’endormissement, réveils, nuits agitées, cauchemars)[2].

Le stress étant reconnu comme un des mécanismes sous-jacents au développement du syndrome métabolique[3] et des maladies liées au vieillissement[4], il est potentiellement un cofacteur important de l’état de sous-santé.

La médecine chinoise a un effet reconnu sur le stress et le sommeil. Elle est également pertinente dans l’accompagnement des états psychologiques dégradés, tels que dépressifs, anxieux et agités.

Discussion

L’idée directrice du travail proposé est :

  • d’explorer l’influence neurobiologique de la charge allostatique du stress sur l’état psychologique et les manifestations somatiques afin de créer des liens connexes avec la médecine chinoise.
  • de proposer un protocole d’accompagnement en médecine chinoise visant à soutenir la récupération du sujet et à réduire les niveaux de stress ressentis (états psychologiques) et physiologiques (mesure du stress oxydatif).

A titre d’exemple, nous savons que les hormones surrénaliennes en réaction aux stimuli stressants, (cortisol, adrénaline et noradrénaline) permettent à l’organisme de mobiliser l’énergie nécessaire à l’action en maintenant une pression sanguine et une fréquence respiratoire adaptées durant l’épisode de stress[5]. La sécrétion de cortisol permet de soutenir la réaction musculaire de défense à plus long terme en cas de fuite ou de combat par la mobilisation des réserves de glucose.

Pendant leur libération, le cortisol et la noradrénaline vont favoriser le stockage et la consolidation mnésique de l’expérience négative, ce qui est adapté dans le contexte de la survie mais défavorable dans une situation à long terme car ils affectent dans le même temps le fonctionnement de la mémoire de travail[6].

Le cortisol est un inhibiteur de l’activité ostéoblastique. Il diminue l’absorption intestinale du calcium et augmente son élimination par le rein. Les taux élevés à long terme de cortisol sanguin induisent un ralentissement de la croissance des cartilages et des os, de l’ostéoporose, une altération de la mémoire de travail et une altération du mécanisme d’extinction de la peur (par atrophie de l’hippocampe[7] qui est une structure-relai pour les interactions entre le cortex préfrontal et l’amygdale dans l’extinction de la peur[8]).

L’approche traditionnelle de médecine chinoise considère que l’énergie du Rein soutient l’organisme, elle nourrit les os, la moelle et le cerveau. Un aspect important du Rein concerne le stockage de la mémoire. L’hyperactivité des glandes surrénaliennes causée par le stress peut épuiser l’énergie du Rein, affecter la résistance de l’organisme, favoriser les pathologies en lien avec la mémoire et les émotions liées à la peur.

L’excès de libération de la noradrénaline centrale pendant l’épisode de stress a plusieurs conséquences. Outre le maintien en hypervigilance du sujet stressé, il détourne la ressource en dopamine (la noradrénaline est synthétisée à partir de la dopamine) et dérégule le métabolisme du glucose médié en majeure partie par l’expression noradrénergique[9]. Il s’ensuit une plus grande sensibilité des cellules à l’insuline, une stimulation de l’appétit, de la prise de poids[10] et une augmentation de la pression artérielle qui sont des cofacteurs du développement du syndrome métabolique[11].

Il est intéressant de noter que le réveil du matin et le maintien de la veille sont assurés par les voies noradrénergiques[12], ce qui correspond au mouvement du Bois dans la loi des 5 éléments. Le Qi du Foie a un mouvement expansif, initiant et maintenant l’éveil au cours de la journée, et influence considérablement la vie émotionnelle.

Le débordement et l’agitation du Foie envahissent facilement la Rate, le Cœur, et entravent le bon fonctionnement digestif et les capacités d’attention et d’apprentissage (concentration et mémorisation).

La dérégulation du circuit de l’approvisionnement énergétique conduit régulièrement à l’altération de l’image et du poids corporels[13], à l’anxiété[14], aux comportements obsessionnels[15] ou à l’inverse, encourage l’hypoactivité et la dépression[16][17].

Dans le stress chronique de premier stade, nous pouvons rencontrer une prévalence des affects négatifs avec perte de la motivation, de l’irritabilité, une anxiété légère, de la préoccupation. La noradrénaline et le cortisol sont surexprimés, la dopamine sous-exprimée.

Au deuxième stade du stress, nous rencontrons toujours la prévalence des affects négatifs, de la démotivation, une fatigue psychique et physique, des difficultés attentionnelles et intellectuelles, un repli sur soi. A ce stade la noradrénaline et la dopamine sont épuisés, suivi par le cortisol.

Au dernier stade du stress chronique, les symptômes habituellement retenus sont l’épuisement psychique et physique, les troubles de l’adaptation, la désorientation, la dépersonnalisation. Le système de régulation de l’homéostasie est en faillite, la sérotonine, neurotransmetteur essentiel de l’inhibition adaptative est épuisée. Des stratégies d’évitement sont mises en place sur le plan professionnel et/ou personnel, surviennent des états dépressifs avec exacerbations émotionnelles, les nuits sont agitées par des cauchemars. Il y a souvent augmentation des taux sanguins de cytokines pro-inflammatoire et de Protéine C réactive.

En médecine chinoise, le Poumon est chargé du maintien de l’homéostasie à travers les fonctions de bases comme la respiration, la régulation de la température, les battements cardiaques. Il est donc le premier organe régulateur de l’épisode de stress !

Un rôle très semblable est attribué à l’expression sérotoninergique centrale :

  • L’aire tegmentale ventrale (ATV), point de départ des voies noradrénergiques, est un domaine clé pour la thermorégulation mais se sont les projections des voies sérotoninergiques (5-HT) qui modulent le système de production et de perte de chaleur par ses projections dans l’ATV[18].
  • Le système 5-HT intervient spécifiquement sur le contrôle respiratoire en permettant au cerveau de détecter les changements de pH / CO2 et en stimulant les ajustements de ventilation en conséquence[19] [20].

L’élément Métal adjoint au Poumon, à l’inverse du Foie, a un mouvement centripète. Il est associé à l’automne. C’est un mouvement de repli avant le mouvement de descente de l’hiver.

L’hibernation, qui se prépare à l’automne, est un exemple d’adaptation du comportement lié à l’expression sérotoninergique : c’est un comportement de ralentissement et d’isolement qui permet aux animaux d’abaisser graduellement la température de leur corps et leur taux respiratoire. La lésion du raphé médian, point de départ des neurones 5-HT, inhibe l’hibernation[21].

Un des aspects importants de la loi des 5 mouvements en médecine chinoise est le contrôle du Poumon sur le Foie. Le Foie, organe vif et prompt à extérioriser a besoin de l’action régulatrice du Poumon pour le stabiliser.

En neurobiologie, de nombreux éléments suggèrent également l’existence d’un contrôle réciproque des systèmes noradrénergiques et sérotoninergiques : quand un des systèmes est activé, l’autre système intervient pour tempérer cette activation[22]. Les symptômes dépressifs, d’idées suicidaires, d’impulsivité, la tendance à l’agressivité et la dérégulation de l’appétit[23] sont consécutifs d’une hyporégulation sérotoninergique[24].

L’inhibition adaptative (majoritairement orchestrée par les voies sérotoninergiques) potentialise ou atténue les réponses neuronales nécessaires à l’équilibre homéostatique de l’organisme mais aussi à l’ajustement fin de la plupart des comportements. Elle permet à l’organisme d’optimiser ses ressources dans un environnement incertain et de développer les liens d’attachement indispensables à la constitution et à la projection de soi en tant qu’individu social.

L’équilibre entre le mouvement du Poumon et celui du Foie est donc essentiel au maintien de l’homéostasie et garant d’une bonne résistance de l’organisme aux stimuli stressants.

Soutenir le fonctionnement harmonieux de cet équilibre pourrait être la base d’une hypothèse de travail dans les tableaux où la surexpression du système nerveux orthosympathique liée au stress chronique peut conduire à l’épuisement du Poumon.

Conclusion

Sur le plan physiologique, en affaiblissant la capacité homéostatique de l’organisme, le stress répété, même modéré, est de nature à altérer cette inhibition et concourt à la prévalence de l’état de sous-santé.

Sur le plan psychologique, il contribue au renforcement des affects négatifs, à l’agressivité, à la rigidité cognitive, à la perte de motivation, à l’attachement désorganisé et au développement de comportements sociaux inadaptés (épuisement des ressources de la neuromodulation centrale et altération de la plasticité hippocampique liée au taux élevé de cortisol sanguin).

Dans beaucoup de troubles liés au stress, la mise en défaut de l’inhibition adaptative pourrait être suggérée comme point focal de toute la symptomatologie et devrait faire l’objet d’une attention particulière dans la recherche de solutions thérapeutiques.

[1] Li G, Xie F, Yan S, Hu X, Jin B, Wang J, Wu J, Yin D, Xie Q. Subhealth: definition, criteria for diagnosis and potential prevalence in the central region of China. BMC Public Health. 2013 May 4;13:446. doi: 10.1186/1471-2458-13-446. PMID: 23642312; PMCID: PMC3653693.

[2] Li G, Xie F, Yan S, Hu X, Jin B, Wang J, Wu J, Yin D, Xie Q. Subhealth: definition, criteria for diagnosis and potential prevalence in the central region of China. BMC Public Health. 2013 May 4;13:446. doi: 10.1186/1471-2458-13-446. PMID: 23642312; PMCID: PMC3653693.

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